La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux

Publié le par Mordue de theatre

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Critique de La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux, vu le 6 février 2013 à la Comédie des Champs-Élysées

[ Avec Anny Duperey, Dominique Pinon, Catherine Salviat, Romain Apelbaum, Jean-Paul Bordes, Stéphanie Caillot, Jacques de Cande, Franck Capillery, Fabienne Chaudat, Catherine Hosmalin, Mathias Jung, Antoni klemm, Gaëlle Marie, Adrien Melin, Jean-Jacques Moreau, Frédéric Rose, Geoffrey Sauveaux, Martin Schwietzke, et Laurent Spielvogel, dans une mise en scène de Didier Long

Ne nous mentons pas, c'est pour les acteurs avant tout que je suis venue voir la pièce. C'est pour Anny Duperey, Jean-Paul Bordes, et Fabienne Chaudat, que j'avais adorés en Madame Alexandra (Madame Chérie), Poète Chérie, et Madame Georges, dans Colombe d'Anouilh ; c'est pour Adrien Melin, acteur que je suis depuis quelques années. Mais c'est aussi un peu pour Giraudoux. Je m'étais fait un peu incendier lorsque j'avais critiqué La guerre de Troie n'aura pas lieu, du même auteur : on m'avait reproché de ne rien savoir sur ses oeuvres et de commenter à la légère. Soit, là, j'ai donc vu ma deuxième oeuvre du même auteur. Je n'en verrai sûrement pas beaucoup plus : Giraudoux, ce n'est pas pour moi. En effet, j'ai trouvé certaines scènes trop longues ... 

Comment raconter l'histoire ? Et bien ... Le début se passe dans un café, à Chaillot, où l'on voit deux types de personnes : d'un côté, les hommes riches qui font sans cesse des affaires et ne voient pas le monde beau comme il l'est, en fait ils ne voient pas grand chose. De l'autre, ceux qui savent admirer ce qu'ils ont devant eux, profiter de chaque brin de vie qu'on leur offre : parmi eux, Aurélie, aussi surnommée "Folle de Chaillot", sûrement par son amour de la vie et sa manière de s'habiller : les cheveux en bataille, elle porte de nombreuses couches de vêtements de toutes sortes, et se promène avec son caddy, bazar pour certains, caverne d'Ali Baba pour d'autres. Cette opposition entre ces deux types de personnages amènera alors le 2e acte, où il chercheront à se détuire les uns les autres. On sent que l'auteur a voulu faire quelque chose à la fois poétique et empli de symboles, sauf qu'au bout d'un moment il y en a trop et ça devient lourd. Parfois, je me suis contentée de regarder les acteurs, et d'entendre ce qu'ils disaient, sans véritablement écouter.

Néanmoins, certaines scènes sont transcendées par les acteurs de génie présents devant nous. Par exemple, Dominique Pinon, jouant un chiffonnier, se met à la place d'un homme puissant grâce à l'argent, et essaie de se défendre tel un avocat. Il essaie, et y arrive très bien. Mais surtout, ce sont 10 minutes où le public est scotché. Cette scène est très réussie, on n'entend plus une toux, plus personne ne bouge, tout le monde a les yeux fixés sur l'acteur. Dominique Pinon réussit là un beau morceau de bravoure ! J'ai également beaucoup aimé le jeu de Jean-Paul Bordes, comme toujours : il a une manière de composer son rôle de pédant si particulière et géniale ! Adrien Melin, en homme riche et toujours pressé de faire des affaires, ne restait pas en arrière, et était tout à fait au niveau des acteurs qui l'entouraient. Stéphanie Caillol assumait parfaitement son rôle de jeune femme affirmée, sans doutes, avec des buts précis qu'elle atteindra, elle le sait. J'ai été impressionnée par Jacques de Cande, qui, incarnant un sourd muet, s'exprimait par gestes. Quelle précision ; c'est un art que ce genre de gestuelle. Catherine Salviat, en Folle elle aussi, composait un très beau rôle, très touchant. Je me dois aussi de mentionner le nom de Fabienne Chaudat, Folle de la Concorde, qui comme à son habitude était excellente. Catherine Hosmalin, que j'ai souvent vu jouer au cinéma et que j'aime beaucoup, entourée de ses grands acteurs, n'était que convenable. Bien sûr, j'en viens à Anny Duperey. Elle est une Grande actrice, c'est indéniable. Et elle jouait la Folle avec entrain, avec ténacité, avec la vie nécessaire au rôle. Et comme Anny Duperey a quelqu'un chose de profondément gentil en elle, ici, elle composait son rôle comme une Folle, soit, mais une Folle raisonnable, ni méchante ni injuste. Un peu comme un ange étrange. Et je pense que le rôle le voulait, puisqu'elle ne commet aucun acte dur, au contraire, elle chercher la paix et le bonheur des gens qu'elle considère comme honnête. C'est un beau rôle, dommage que ce qui l'entoure soit parfois trop pesant ... Peut-être que si on coupait un peu, je saurais apprécier la pièce entière ...

J'étais quand même étonnée de voir tant d'acteurs (19) sur une si petite scène. Lorsque le rideau s'ouvre, on se l'imaginait beaucoup plus profonde : en fait, les décors coupent la scène en profondeur. Mais ce n'est pas génant : j'ai beaucoup aimé les décors, sur lesquels certains acteurs montaient ou descendaient, décors représentant tantôt Paris, tantôt ses égouts. Ils étaient beaux, sans en faire trop : ce que je préfère. Les costumes, signés Pascale Bordet, ne pouvaient qu'être splendides : et bien sûr ils l'étaient !

Et dans la catégorie "Remarques utiles des spectateurs" : lorsqu'Anny Duperey entre en scène, on entend distinctement quelqu'un dire "C'est Anny Duperey !". Lorsque des acteurs reviennent sur scène, ayant changé de costumes pour montrer qu'ils ont changé de personnages, on entend "Regarde, c'est les mêmes qu'avant !". Lorsqu'une porte s'ouvre, alors qu'elle aurait du rester fermée : "Olalalaaaaa aïe aïe aïe !". Messieurs dames spectateurs insupportables, je vous en prie, gardez vos réflexions pour vous. Merci.

On passe globalement un très bon moment. Et pour qui saurait apprécier Giraudoux, ce serait un sans-faute je pense !  

[En attente d'une image du spectacle !]



Publié dans Critiques

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M
Votre blog est bien conçu on comprend rapidement et simplement ce que vous voulez transmettre, bravo
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M
<br /> Dans Le Point du 12 février Gilles Costaz parle de la pièce de Giraudoux comme d'un "faux chef d'oeuvre"<br />
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